La Forme de l’Eau : un mélange des genres poétique

Et c’est parti pour une nouvelle analyse. Aujourd’hui on se penche sur La Forme de l’Eau de Guillermo Del Toro.  Après avoir longuement hésité à en parler, je me jette à l’eau – mais quel jeu de mot ! 

Une promesse tenue ?

Une petite remise en contexte s’impose. Durant la Guerre froide, en 1963, Elisa, interprétée par Sally Hawkins, mène une existence solitaire, d’autant plus isolée qu’elle est muette. Modeste employée de ménage d’un laboratoire gouvernemental ultra secret, sa vie bascule à jamais lorsqu’elle et sa collègue Zelda, Octavia Spencer, découvrent une expérience encore plus secrète que les autres : un homme amphibien, endossé par Doug Jones, détenu captif en tant que spécimen d’étude. La jeune manutentionnaire tombe alors amoureuse de la créature. Avec l’aide de son voisin, elle décide de le libérer mais ignore cependant que le monde extérieur pourra être aussi dangereux pour lui.

la forme de l'eau
Sally Hawkins (Elisa) et Doug Jones (Homme Amphibien)

Guillermo Del Toro n’en est pas à son coup d’essai. En effet, le producteur, réalisateur et scénariste mexicain ne possède pas moins de 62 films et séries à son compteur. Son univers atypique et son professionnalisme font de lui un maître dans l’art du cinéma. Il est notamment connu pour ses films Le Labyrinthe de Pan,  Hellboy ou encore Pacific Rim et participe à l’écriture des scénarios de la trilogie The Hobbit aux côtés de Peter Jackson.

La Forme de l’Eau ou The Shape of Water, sorti le 21 février 2018, obtient le statut de Lauréat du Lion d’Or au Festival de Venise 2017 avant sa sortie officielle. Par la suite, il obtient 2 Golden Globes – ceux du meilleur réalisateur et de la meilleure bande originale – ainsi que 13 nominations aux Oscars où il se voit décerné les Oscars du meilleur film 2018 et du meilleur réalisateur, rien que ça !

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Guillermo del Toro – Crédit Photo : David Fisher

Un film aux multiples facettes

Pas de genre ou d’époque bien définie dans ce film, Guillermo del Toro casse les codes et sort des sentiers battus.

Même si le film est clairement orienté lors de la Guerre Froide, le style rétro est mêlé au moderne : un mélange surprenant, parfois déroutant, mais qui apporte un certain charme au film.

Pour ce qui est des genres, on y trouve un vrai mélange. Si bien que chaque génération y trouve sa référence. Je dirais que les quatre piliers de ce films sont le fantastique, la romance, le drame et le thriller.

On y trouve tout de même une référence à la comédie musicale avec ce passage en noir et blanc où Elisa, qui rappelons-nous est muette, s’exprime pour la première fois en chanson. Un monde issu de son imagination qui nous rappelle Les Parapluies de Cherbourg ou encore Mary Poppins. Dans une autre partie du film, un jeu de claquettes entre Elisa et son voisin nous évoque plus récemment La La Land.

En plus d’être un puits de références, La Forme de L’Eau est également un film engagé qui dénonce les injustices sociales de l’époque, qui persistent encore dans quelques esprits. Je pense notamment à l’homophobie, illustrée par la relation entre le voisin d’Elisa et le barman qui refuse de le servir. Dans la même scène, les personnages font également référence à la ségrégation raciale. Il y a également la place de l’homme des années 20 qui est représentée par Richard Strickland, interprété par Michael Corbett. Hasard ou non, il me fait fortement penser à Gaston de La Belle et La Bête : un homme beauf et macho, sûr de lui et foncièrement cruel.

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Michael Shannon (Richard Strickland) et Sally Hawkins (Elisa) / Emma Watson (Belle) et Luke Evans (Gaston)

Parlons Technique

Ce film est un véritable bijou technique. Tout est pensé, de la lumière au son en passant par les personnages eux-mêmes.

Je ne sais pas si vous l’avez remarqué mais la couleur verte est un élément central du film. Que ce soit dans les vêtements, la nourriture ou l’éclairage, elle est omniprésente. En effet, le vert est une couleur symbolique. Il est souvent associé à l’espoir, mais il peut également être le représentant de la malchance. Une double symbolique qui est illustrée tout au long de l’évolution du film. En effet, l’élément vert qui sera ingéré est souvent signe de malchance pour le personnage qui y goûte. À contrario, les personnages qui ne font que porter le vert sont empreint d’espoir et ne faiblissent pas.

L’évolution des personnages principaux est visible par leur garde robe, leur état d’esprit se reflète sur cette dernière. En effet, à la fin, les amis d’Elisa portent du noir, ce qui prédit le deuil  à venir face à la disparition de leur amie commune. Elisa, quant à elle en rouge, représente la victoire de l’amour et sa propre renaissance.

Les jeux de lumière ont un rôle décisif et permettent d’appliquer un cadre à la scène, de capter les sentiments des personnages. En effet, on remarque que lorsqu’Elsa est en zone de confort, les lumières sont chaudes, chez elle par exemple. À contrario, les tons froids sont dominants en zone d’insécurité. Pour cela, Guillermo Del Toro a fait appel au danois Dan Laustsen. Le réalisateur ne tarie pas d’éloges :

« Dan est un génie de la lumière. Il a réussi à éclairer La Forme de l’eau comme s’il s’agissait d’un film en noir et blanc des années 50 alors que nous avons utilisé la couleur. La lumière de ce film est très expressionniste et pleine d’ombres, ce qui donne un résultat que je trouve très élégant, dans l’esprit des grands classiques. »

Pour certaines séquences sous-marines, le directeur de la photographie a eu recours à une technique appelée « dry for wet ». Il s’agit de donner l’illusion de l’eau grâce à la fumée, des ventilateurs et des projections lumineuses. Cela a permis aux acteurs de jouer tout en gardant les yeux ouverts. Doug Jones se souvient :

« Lorsque nous avons tourné ces scènes « sous-marines », Sally et moi nous trouvions dans la brume tandis que des rais de lumière zigzaguaient autour de nous comme des vagues. C’était très étrange, mais lorsque j’ai vu ce que cela donnait, j’ai été sidéré par le réalisme des images. »

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Guillermo del Toro et le compositeur Alexandre Desplat ont décidé de développer un thème musical distinct pour chaque personnage principal. Pour Elisa, Desplat a imaginé un rythme à trois temps qui rappelle une valse, qu’il a agrémenté d’un accordéon et d’un sifflement. Pour la créature, ce sont les flûtes qui dominent, comme l’explique le musicien.

Une fin à libre interprétation / qui donne à réfléchir

A ceux qui n’aiment pas les fins suggestives, abstenez-vous ! En effet la fin laisse libre cours à votre imagination. Voici celles que nous avons cru percevoir.
On commence par la classique Légende des âmes sœurs de Platon. Cette légende est basée sur le fait que les humains avaient alors 2 visages, 4 bras et 4 jambes. Un jour, ils ont décidé de défier les dieux. Zeus, pour les punir, les sépara en deux pour les affaiblir. Sont alors nés les âmes soeurs. 
La Créature est un dieu et Elisa sa déesse. En effet, on remarque qu’Elisa possède des cicatrices dans le cou,  ce qui correspond à l’apparition des branchies à la fin du film. Lorsqu’elle retrouve son âme-soeur, sa véritable forme est révélée. 
L’interprétation qui reste la plus simple et la plus terre-à-terre est la suivante : Elisa est tout simplement morte ainsi que la Créature. 

En bref

Un bijou technique poétique donc, mais dont on ressort perplexe. C’est un film que l’on peut définir de subtile dans le bizarreÀ la façon d’un Fabuleux destin d’Amélie Poulain, il faut le voir plusieurs fois pour en extirper toutes les subtilités et surtout en comprendre tout le sens. En effet, on a la sensation d’un manque, que quelque chose nous a échappé. Bon du coup on retournera sûrement le voir pour essayer de mieux comprendre et déceler tous les mystères de cette œuvre. Sur ce, on vous laisse non pas sur la bande-annonce pour une fois, mais sur une compilation des effets spéciaux du film. 

Article rédigé par Gwladys GURTLER

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